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21 décembre 2014 7 21 /12 /décembre /2014 14:47

La Bretagne en décembre…Brrrr. Drôle de programmation pour une classe découverte. A moins d’avoir envie de découvrir le crachin, la bruine et les embruns. Mais, à bas les stéréotypes ! Et vive l’aventure !

Avec les élèves, nous avons passé dix jours à tenter de lutter contre les clichés qui encombraient notre esprit sur cette région. En vain ! Après dix jours de pluie, de vent et d’humidité, les stéréotypes sont ressortis grandis de cette classe de mer.

Mais malgré tout, les souvenirs et les découvertes ont remplacé les clichés dans notre tête et le petit bout de Bretagne que nous avons découvert dans la baie de St Brieuc a maintenant des allures de paradis dans nos esprits émerveillés.

 

Alcoolique :

Jacky, l’animateur nature, répond évasivement à la question pourtant bien précise d’Illan.

- Euh…la différence entre un goéland marin et un goéland argenté ? Euh…hum…ben tu sais, c’est kifkif bourricot.

Akim, distrait par un coup de vent qui a rabattu la capuche de son ciré sur ses oreilles veut connaître la réponse.

- Alors ! Il a dit quoi pour les goélands ?

- Il a dit que c’était kifkif mojito ?!

 

Gestion de l’argent de poche :

Une nuit, réveillé par des clameurs dans la chambre voisine, j’allume mon portable pour vérifier qu’on est bien la nuit.

Cinq heures trente. Je considère que c’est encore la nuit et je débarque dans la chambre des trubliones en pyjama en ouvrant la porte à pleine volée. Elles, elles ne sont plus en pyjama (ou pas encore, je ne préfère pas savoir), elles jouent au Monopoly.

Je les convie à aller illico se recoucher ! Mais Nadia tarde un peu, elle a l’air embêtée.

- Maître, Chloé m’a demandé 1,50 € pour passer une nuit dans son hôtel rue de la Paix. C’est de l’abus !

- Ben non ! 1,50 € c’est même pas la taxe de séjour. Elle est plutôt cool Chloé.

Puis en sortant de leur chambre, j’aperçois le plateau du Monopoly encadré par des porte-monnaie et des pièces, des vraies.

- Mais ça va pas non ??! Vous jouez à la vrai ?!!

 

Le grand bluff

Une autre nuit, c’est du remue-ménage dans l’autre chambre voisine qui me réveille. Cette fois-ci je ne regarde pas mon portable et débarque dans la chambre des enfants.

La lumière s’éteint et le silence se fait à peine j’ouvre la porte.

- Non mais !! Vous savez l’heure qu’il est ?

Dans la nuit une voix me répond avec toupet :

- Non !

Puis une autre me demande :

- Il est quelle heure ?

Me voilà bien !

- Euh, ben… il est trop tôt…ou trop tard…enfin il est l’heure de dormir.

 

Espace de stockage limité

Ethan est devant l’ordinateur. Il est censé accéder à l’Espace Numérique de Travail de notre école sur son propre compte pour lire les commentaires laissés par les parents sur le blog.

- Maître, vous pouvez me donner mon code s’il vous plaît.

- Il faudrait que tu le retiennes, je te le redonne tous les jours.

- Ah non, après je risque d’oublier autre chose.

Ceci explique cela. Ethan se prend donc pour une clé USB d’à peine quelques octets. Il n’apprend donc pas ses leçons pour éviter de devoir effacer de sa mémoire les paroles des chansons de ses idoles.

 

Spécialités

Mario est plutôt du genre difficile à table. Il ne mange que des pâtes, de la pizza, du risotto et de la polenta. Des spécialités de son pays d’origine, en fait. Une chance pour Mario, Roberto, le chef cuisinier du centre, est italien. Mais une chance pour nous, Roberto sait aussi préparer des repas équilibrés et ces spécialités italiennes n’en font pas parties. Du coup, Mario s’affaiblit de jour en jour.

On est obligé d’user de vils stratagèmes pour le faire manger. Un soir, on met Roberto dans la combine. Il débarque alors dans la salle à manger pour annoncer le menu. On voit bien qu’il prend sur lui. Il transpire un peu devant l’affront qu’il s’apprête à faire à sa patrie.

- Ce soir : une spécialité italienne !

- Des spaghettis ?

- Des macaronis ?

- Des fusillis ?

Comme les enfants ont épuisé tous les mets en « I » et qu’ils donnent leur langue au chat, Roberto leur donne la réponse. Les mots lui arrachent la gorge et il s’étrangle presque en disant :

- Non, des salsifis… à la béchamel.

Banco ! Ça a marché, Mario a fini son assiette.

 

Presque

- Les enfants ! Qu’ont les étoiles de mer sous leurs bras pour s’agripper aux rochers ?

- Des tantouzes !!

 

Drôle d’odeur

Le matin, je réveille les enfants avec Loubna qui prend un malin plaisir à voir les têtes encore endormies de ses camarades. Comme personne ne proteste, elle a pris l’habitude de m’accompagner dans ma tournée.

Un matin, on entre dans une chambre de garçons et Loubna ne peut se retenir de lancer :

- Pouah… ça sent pas la rose par ici.

- Ben non, tu sais, quand on dort à plusieurs dans une chambre, il peut y avoir une odeur particulière après une nuit sans aérer.

Lucas, à moitié endormi, assis sur son lit, tient à se justifier :

- Ben oui, c’est normal, ça sent le dormi.

 

La petite souris

- Maître, j’ai perdu une dent, m’annonce Noémie en brandissant son trophée tout juste déraciné.

Souhila, notre accompagnatrice me donne un coup de coude et me chuchote :

- J’en connais un qui va faire la petite souris ce soir.

J’avoue que je n’y avais même pas pensé. Mes propres enfants n’étant pas encore en âge de perdre leurs dents, je n’ai pas encore le réflexe « Fée des dents ».

Le soir, une heure après le coucher, je me faufile dans la chambre des filles muni de ma lampe frontale vissée sur la tête. Je ne me sens pas à ma place au milieu de jeunes filles endormies, mais peut-être est-ce mon esprit d’adulte échaudé. Si mes élèves se réveillent et me découvrent dans leur chambre en pleine nuit, à quoi penseront-elles ? Au gentil maître en mode « petite souris » ? Ou au maître pervers en mode gynéco (rapport à la frontale) ? Je remplace la dent soigneusement placée sur la table de nuit par Noémie par une pièce de un euro et je sors de la chambre, content qu’elles ne se soient pas réveillées et fier de mon action.

Le lendemain, Kheira me montre sa dent qui vient de tomber. Je souris jaune. La veille, j’avais déjà vu que dans mon portefeuille, il ne restait qu’un billet de 5 euros.

Le soir, après avoir fait le tour des adultes pour trouver un peu de monnaie, en vain, je remplace la dent de Kheira par le généreux billet de 5 euros. Je prends soin d’ajouter un post-it.

Merci de partager avec ta camarade qui a perdu une dent hier. Affectueusement. La petite souris.

Dans le couloir, une idée me fait faire demi-tour. Je vais alors remplacer le post-it par un autre :

Merci de partager avec tous tes camarades qui auront perdu une dent à la fin du séjour. Pingrement. La petite souris.

 

 

 

 

Voilà ! Ceci n’est que la partie émergée de l’iceberg des souvenirs de cette classe découverte. Pour découvrir l’autre partie, celle qui est immergée, je vous invite à organiser vous-même un séjour avec vos élèves. Ce n’est pas toujours facile mais le résultat est gratifiant.

Alors, allez-y et vous découvrirez ce sentiment particulier quand l’espace d’une dizaine de jours, vos élèves sont devenus un peu « vos » enfants.

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30 octobre 2014 4 30 /10 /octobre /2014 07:28

Quand Directrice a reçu le programme d’École et Cinéma, elle était euphorique. Elle s’est adressée à Monsieur Janti, Sonia et moi-même comme à des gosses à qui elle allait annoncer un Noël anticipé.

- Devinez, petits veinards, ce que vous allez voir au cinéma la semaine prochaine.

A son ton enjoué, chacun y est allé de sa proposition, dévoilant ainsi ses goûts en matière de septième art. Sonia, en mode romantique, a proposé « Nuits blanches à Seattle », Monsieur Janti en mode moins romantique a suggéré « Annabelle » et moi, pour rester dans le même registre de titre, me suis laissé dire qu’on emmenait nos élèves voir « Emmanuelle ».

- Mais non, vous allez voir « Peau d’âne » !

- C’est quoi ? Le dernier Disney ?

- N’importe quoi ! C’est une comédie musicale.

- De qui ? Dove Attia, Pascal Obispo, Luc Plamondon ?

- Y’aura M Pokora ?

- Garou ?

Dépitée, Directrice nous a tendu les brochures qui présentent le film et que l’on doit distribuer à nos élèves. Et elle nous a suggéré d’en prendre aussi connaissance avant de mener une quelconque exploitation dans nos classes.

J’ai alors appris que Peau d’âne était une comédie musicale de Jacques Demy, avec Catherine Deneuve et Jacques Perrin, sortie en 1970.

Plus tard, j’ai aussi appris que c’était le film préféré de Directrice. Le midi, entre deux feuilles de salade vinaigrette, elle nous a chantonné des airs qu’elle disait cultes, mais qui sonnaient à mes oreilles comme des chansons que Dorothée ou Chantal Goya auraient interprétées.

- Recette du cake d’amour ?

- …

- Amour, amour ?

- …

Elle aurait tant voulu nous faire dire : « Ah oui ! C’est ultra connu, ça. C’est bien ! C’est dans Peau d’âne ? ». Un peu comme le titre de cette collection de disques : « Je n’aime pas le classique, mais ça j’aime bien », décliné aussi avec le jazz, le violon et l’opéra.

Sauf que malgré tous les efforts de Directrice, le titre de son CD est demeuré : « Je n’aime pas les comédies musicales, non je n’aime vraiment pas. »

J’ai toujours été fasciné par les goûts musicaux de Directrice. Ils s’étendent dans une tessiture infinie qui englobe toutes les gammes et tous les styles de musiques existants.

Elle nous a raconté dernièrement avoir emmené son mari à un concert de Franz Ferdinand. Le pauvre qui croyait aller voir un crooner vieillissant dans un café-théâtre démodé, s’est retrouvé tout penaud, au milieu de la fosse du Zénith de Paris entouré par des fous furieux (y compris sa femme) qui sautaient partout en braillant les paroles du célèbre groupe de rock écossais.

Plus tard, c’est son neveu qui l’a trainée au concert de Sexion d’Assaut. Elle avait pris soin d’étudier les paroles du groupe sur internet mais s’était trouvée bien démunie devant des phrases comme :

Dans la rue ça rappe en masse, ça XXX d'aller nahess
Pour un 16 mes gars t'agressent, seul le kickage nous ap
aise

Mais elle nous a avoué plus tard s’être amusée comme une petite folle lors du concert.

Ce qu’elle n’a pas avoué et qu’on apprendra plus tard par le neveu lui-même, c’est qu’à l’instar de son mari au Zénith de Paris, Directrice a aussi vécu des moments de solitude devant la scène des rappeurs parisiens. Notamment quand Black M s’est avancé sur la scène pour faire une impro et qu’elle s’est mise à scander le blaze de Maître Gims à tue-tête, fière de montrer qu’elle connaissait le nom des membres du groupe.

- Arrête Tata, c’est pas Maître Gims, c’est Black M.

Les rires autour d’elle lui avaient mis la puce à l’oreille.

- Et puis tata, autre chose… on dit Maître [Guims], pas Maître [Jims].

- Ah non, ça, j’en suis sûre : un G et un I, ça fait [JI].

Malgré tout, je reste fasciné par ce grand écart facial qu’elle est capable d’effectuer entre Michel Legrand et Franz Ferdinand. Et mes préjugés d’inculte quant au cinéma des années 70, je me promets de les mettre de côté pour aller à la projection de Peau d’âne.

D’ailleurs, le projet École et Cinéma n’a-t-il pas été créé pour permettre aux élèves (et à certains maîtres) de découvrir des films qu’ils n’iraient pas voir de leur propre chef ?

Du coup, dans la salle obscure, je me love dans les fauteuils rouges mais confortables et j’ouvre grands mes yeux et mes oreilles pour essayer de comprendre ce qu’une fan de Franz Ferdinand peut trouver à une comédie musicale de Jacques Demy.

Du film, je me souviens avoir été surpris de le voir en couleur, m’être extasié devant la beauté de la jeune Catherine Deneuve, avoir souri devant les effets spéciaux de l’époque et même avoir franchement rigolé au bon mot du tailleur royal qui se lamentait : « Nous n’aurons jamais le temps ! Couleur du temps ?! … c’est embêtant !! ».

Puis plus rien !

Puis les lumières et le brouhaha d’une centaine de gamins.

Un bâillement aux corneilles, quelques étirements et enfin, la satisfaction d’avoir eu l’occasion de voir ce film et surtout d’avoir pu rattraper un peu de sommeil en retard.

Sur un air de comédie musicale
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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 13:28

Question subsidiaire à l'enquête sur le projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture :

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5 juillet 2014 6 05 /07 /juillet /2014 06:45

Je suis dans ma classe. Il est 16h45. Je viens de remonter après avoir libéré mes élèves pour de grandes vacances.

Je fais mentalement le bilan de l’année écoulée. Une année de plus passée en un éclair. Des choses à refaire, et d’autres à éviter. Mon expérience se parfait au fil des années et chaque fois j’ai l’impression de découvrir d’autres faiblesses. C’est le propre de l’apprentissage. Des paliers à gravir et des obstacles qui apparaissent dès que les précédents ont été surmontés.

Et là, pendant que je jette machinalement un œil dans les casiers vides de mes élèves, comme une piqûre de rappel de l’année achevée, je découvre dans la table de Mehdi une escadrille d’avions en papier. Que dis-je, c’est une escadrille. C’est une escouade. Des dizaines de pliages bourrés dans le casier. Comme je suis pratiquement sûr qu’ils n’y étaient pas hier, car j’y avais recherché quelques romans manquants dans mes séries, je me dis que ce filou de Mehdi a pratiqué l’art de l’origami à mon insu pendant toute cette dernière journée alors que cette pratique consommatrice de papier, et donc d’arbres, est formellement interdite dans ma classe labellisée écolo.

La voilà ma faiblesse de l’année. Le manque de vigilance.

Le nombre de fois où le soir en faisant un tour dans la classe j’ai découvert ce qu’avaient vraiment fait mes élèves au lieu de travailler et de m’écouter.

Des boulettes de papiers encore imbibées de salive, vestiges d’une bataille acharnée entre deux ou trois îlots. Des casiers remplis de papiers de bonbons sûrement consommés en pleine classe. Des tags au marqueur indélébile sur le mobilier de la classe. Un début de feu de poubelle dans la cour pendant une récréation alors que seule ma classe était présente.

Et rien que cette dernière semaine, trois élèves qui me disent « Au revoir Maître, à demain » alors qu’ils viennent de vider leur casier pour partir en vacances. Et moi qui leur réponds en souriant, ravi de leur politesse, « A demain les enfants ! » parce qu’une fois de plus je n’ai rien vu.

Le voilà mon problème. La cécité.

Parce que, pendant qu’ils se balançaient des boulettes de papiers, qu’ils se goinfraient de bonbons, qu’ils s’exprimaient au marqueur sur le dossier de leurs chaises, qu’ils fabriquaient ces petits bracelets d’élastiques, qu’ils jetaient des allumettes dans la poubelle, qu’ils remplissaient leur sac de toutes leurs affaires d’école,… où étais-je moi ??

Là, juste là. A quelques mètres. Quelques centimètres parfois. Devant eux. Tout près. Sans jamais les voir.

Je repense alors au nombre incalculable de fois où, ravi d’en surprendre un en plein délit, j’ai dit : « Il ne faut pas me prendre pour un imbécile. Je vois tout, moi ! ».

En fait, je ne vois pas grand-chose. A peine le dixième du quart du commencement d’un de leur coup fourré. C’est-à-dire, rien du tout.

L’année prochaine, c’est décidé, j’emploie les grands moyens pour ne rien louper de ce qui risque de se passer à mon insu dans ma propre classe. Les rétroviseurs au tableau, les caméras de surveillance à chaque coin du plafond. Sans le savoir, les élèves qui ont été désignés pour être dans ma classe vont, dès la rentrée, entrer dans le Loft 3. L’œil qui cligne en permanence dans le salon, ce sera moi. Et pas question de cligner. Je ne veux rien louper. De ce qui se passera dans leur main quand elles ne seront pas sur la table à ce qui arrivera dans la piscine quand le chlore ne sera pas venu à bout de tous les phéromones. Je veux tout voir.

En descendant l’escalier, chargé de toutes mes affaires, je décide déjà de commencer par un rendez-vous chez l’ophtalmo. Je me dis aussi que l’an prochain, le nouveau TBI installé dans ma classe me procurera une autre façon de travailler, libérant de mon temps à plus de vigilance.

En passant devant le bureau de Directrice, je lui lance un chaleureux « Bonnes vacances » qu’elle me renvoie aussitôt sans lever la tête de sa paperasse.

Puis, c’est quand j’ai la main sur la poignée de la porte qu’elle me rappelle.

Je me présente dans l’encadrement de sa porte et cette fois, elle daigne lever la tête.

- Au fait, j’ai oublié de te dire. Pour le TBI à la rentrée, c’est mort.

- Mort…

- Oui ! Mort, kaput, fichu…

- Kaput…

- Ben oui. Je me suis trompé. En fait, c’est dans le budget 2015. T’inquiète, tu l’auras à la rentrée suivante. Bonnes vacances.

Et elle retourne à sa paperasse.

Je reste sur le pas de la porte et je la regarde. En tout cas, j’essaie de la voir vraiment. J’essaie de me souvenir de ses paroles il y a quelques semaines juste avant la réunion de répartition des classes aux enseignants.

- Ecoute Tèv. Je te propose un truc. Si tu ne fais pas de vague à la réunion et que tu gardes docilement ton CM2, j’attribue le TBI à ta classe.

Et moi, j’y ai cru. Je n’avais rien vu venir de cette combine terrifiante. Tel un pantin désarticulé et aveugle, je me suis laissé guider par les ficelles de Directrice.

L’ophtalmo sera impuissant devant une telle cécité. L’année prochaine, il faudra que j’aie, au minimum, une canne blanche et un chien pour slalomer entre les coups en douce de mes élèves et les coups fumeux de Directrice.

Abattu par cette désillusion, je me dirige à tâtons dans l’obscurité de l’école en direction de la lumière au fond du couloir. La lumière des vacances.

Cécité

Ps : Merci à tous pour les propositions de titres. J'en ai transmis quelques uns à l'éditeur qui m'a avoué en trouver certains très bien. C'était il y a 2 semaines. Depuis, plus de nouvelles. Gardons espoir. Merci encore.

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11 juin 2014 3 11 /06 /juin /2014 07:19

Voilà cinq ans que j’enseigne dans la même école avec le même niveau. A l’aube de ma sixième année, je comprends pourquoi Jacques Chirac a organisé un référendum en 2000 pour transformer le septennat en quinquennat. Bien-sûr que je vais rester professeur des écoles encore quelques années mais je prie le Dieu de l’Education Nationale chaque jour pour changer de niveau l’année suivante. Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi les présidents s’obstinent à se faire réélire dans le même pays, avec les mêmes citoyens, la même opposition, le même protocole. Quelle lassitude !

Cette année encore, j’ai tendu quelques perches pour faire comprendre à mes collègues que j’étais open, apte à découvrir un autre niveau. Peu importe lequel. Mais un autre ! D’ailleurs, au fur et à mesure de l’approche du mouvement, mes allusions devenaient de plus en plus insistantes et à force de tendre des perches, la salle des maîtres, le bureau de Directrice et les couloirs de l’école étaient devenues de vraies forêts de bambous. Mais mes collègues, sourds à mes énormes allusions, traversaient habilement mes plantations, se contorsionnant comme Catherine Zeta Jones dans Haute Voltige, sans jamais toucher une de mes perches.

Bien-sûr, je pourrais changer d’école. Mais rien ne m’assure d’éviter les CM2 dans un autre établissement. De plus, jusqu’à cette année, j’étais trop occupé à essayer de changer de département (lire ici).

Le problème avec les CM2, c’est qu’il faut une bonne dose d’autorité pour passer une année tranquille sans trop de remous. Or moi, de l’autorité, j’en ai de moins en moins. Chaque année, ma réputation me précède un peu plus et il me semble que les Grandes Sections de l’école maternelle n’ont même plus peur du maître des CM2. Dans 5 ans quand ils entreront dans ma classe, leur perception de ma personnalité se sera affinée au cours de leur scolarité à base de rumeurs et de « on dit » à mon sujet.

- Le maître des CM2 ? Pfff, il ne ferait même pas de mal à une mouche.

- Le maître des CM2 ? Ah ah, quand il tond la pelouse, il contourne les pâquerettes.

En somme, le maître des CM2, il n’est pas méchant. Un peu comme l’idiot du village, mais en plus méprisant. Alors, quand je les disputerai, tels les corbeaux arrogants qui picorent le long des routes nationales et qui ne daignent même pas s’envoler quand on les frôle en voiture, ils feront un petit pas de côté en souriant et je resterai démuni face à mon manque d’autorité.

Ce soir, la répartition des classes aux enseignants est à l’ordre du jour du conseil des maîtres. J’ai décidé de me faire entendre. Je taperai du point sur la table. Me lèverai s’il le faut. Sur ma chaise. Sur la table même. Et j’obtiendrai un autre niveau. N’importe lequel. Mais un autre.

Ma seule alliée dans cette histoire, c’est Sonia. Elle a la classe de CM1/CM2. Une classe que je ne convoite pas, car quitte à avoir des CM2 autant les avoir en niveau simple.

Le soir venu, elle me coache.

- Rentre leur dedans. Donne un gros coup de pied dans la fourmilière.

- Ouais, t’as raison, un gros coup de pied.

- En plus, t’as plus d’ancienneté que certains dans l’école.

- Ouais t’as raison, j’ai plus d’ancienneté.

Directrice interrompt ma mise en condition.

- Tévélis, tu passeras dans mon bureau avant le conseil des maîtres.

Sonia, un peu méfiante, m’interroge du regard. Je hausse les épaules en suivant docilement Directrice dans son bureau.

Juste après notre entretien débute la réunion.

Je monte sur le ring de la répartition de classes en regardant ma coach. Je ne suis pas fier de ce que je vais faire.

Le premier round est catastrophique. Je prends des coups dans tous les sens et me protège mollement. Directrice attribue les classes du cycle 2 et je ne tiens pas ma garde. Mes gants sont trop lourds. Je tente une toute petite attaque en déclarant d’une petite voix dans un brouhaha terrifiant, que moi, les CE1, j’ai jamais fait, mais j’aimerais bien. Personne n’entend et la fin du round achève mes espoirs de travailler en cycle 2 l’an prochain.

Je suis dans le coin du ring pendant la pause. Je crache mon dentier dans un seau que me tend Sonia. Elle m’éponge l’arcade sourcilière que m’a explosée Madame Boucard pour conserver son CP.

- Qu’est-ce que tu fous Tèv ! T’es tout mou. Allez, relève ta garde et attaque, putain, attaque !

Les grossièretés de ma collègue me vont droit au cœur mais je sais que je vais la décevoir.

En effet, dès le début du deuxième round je me prends une balayette non réglementaire par Monsieur Janti qui défend son CE2. Ensuite, il enchaîne avec un uppercut bien placé dans la mâchoire. Je me retrouve au sol et Directrice en profite pour m’écraser la tempe avec ses talons pour ne pas que je réclame son CM1. Mais c’est inutile et elle le sait. J’ai arrêté le combat depuis longtemps et malgré les encouragements de ma coach complétement désespérée, je reste à terre quand Directrice compte jusqu’à 10 puis annonce la fin du combat en criant :

- Et le CM2 est attribué à Tévélis !

A la fin de la réunion, je n’aide même pas à ranger les tables. Je file récupérer mon sac dans ma classe et sors par l’entrée de service sans passer par la case « Bon mercredi les collègues !!! ». En courant jusqu’au parking, je me retourne pour voir si je ne suis pas suivi. Mais là, adossée sur le capot de ma Clio Maïf, se tient celle que je voulais justement éviter : Sonia.

Les bras croisés, elle attend des explications :

- Pourquoi tu t’es couché ?

- Je me suis pas…

- Joue pas à ça avec moi. Ce combat, on l’a préparé ensemble. Des arguments t’en avais plein pour quitter ton CM2. T’as même pas essayé.

- Ben si, un peu…mais tu sais, les autres…

- C’est Directrice, c’est ça ? Elle t’a soudoyé ?

- …

- Qu’est-ce qu’elle t’a promis ?

- …

Sonia avait bien deviné. Avant mon entretien dans le bureau de Directrice je ne voyais pas quel argument pouvait m’empêcher de renoncer à mon CM2. Même la promesse d’une nuit d’amour avec Julia Robert n’aurait pu effacer les Paliers n°2, les orientations SEGPA, les dossiers du collège, les documents qui font la navette sept fois entre famille et école, les hormones des CM2 en ébullition dès le mois de mai, les liaisons CM2/6ème, les attestations B2I, APER, APS, les commissions d’harmonisation…

Mais Directrice a trouvé le mot juste. Ou plutôt les trois mots justes :

Tableau Blanc Interactif

Sonia encaisse ma révélation sans vaciller. Elle reste adossée sur ma voiture et semble pensive. Puis, enfin, elle réagit.

- Un TBI, tu dis ?

- Oui.

- Merde !

- Quoi ? Pourquoi tu dis ça ?

- Parce qu’il va falloir rependre l’entraînement de boxe et mettre les bouchers doubles.

- Ah bon, pourquoi ?

- Parce que l’an prochain, il faudra te battre pour conserver ton CM2.

Soudoiement
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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 19:57

Voici une petite chanson coup de gueule pour dire à Monsieur le Ministre qu'il ya d'autres priorités dans l’Éducation Nationale.

Et voici les paroles pour chanter en chœur avec moi. Trois, quatre...

Couplet 1

Merci beaucoup Monsieur Hamon

Merci pour votre première action

Mais vous avez dû mal comprendre

C'est pas vraiment ça qu'on vous d'mande

Juste un conseil là entre nous

Faudra faire attention à vous

Oui, nous on est capables de tout

Même de prérentrée un mois d’août

Refrain

Merci Monsieur mais non merci

Nous, on vous avait rien demandé

Ça sert à rien d'faire le gentil

En nous décalant la rentrée

Merci Monsieur mais non merci

On n'avait rien revendiqué

Franchement on s'en s'rait bien passé

Maint'nant pour quoi on va passer

Couplet 2

Merci beaucoup Monsieur du SNES

Mais faut pas croire qu'on soit en stress

Il faut pas croire que ça nous coûte.

Parce qu'on va bosser au mois d'août

Psychologiquement ça peut s'faire

On l'a djà fait l'année dernière

On n'est pas morts, on n'a rien dit

Alors pourquoi ce préavis ?

Refrain

Couplet 3

Maint'nant j'ose plus dire qu'j'ai une classe

Ni regarder les gens en face

Ces gens normaux qu'ont un métier

Qui bossent paraît-il en été !

Merci pour notre réputation

Aux médias qui relaient tout ça

Merci pour notre profession

Mais j'suis pas sûr qu'on aie besoin de ça

Refrain (bis)

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12 mars 2014 3 12 /03 /mars /2014 08:00

Quand il y a une semaine, l’affaire des écoutes de Patrick Buisson a retenti sur les ondes de ma radio, je m’attendais à de la grosse révélation. J’espérais du lourd, du sensationnel, du Watergate à la française. Je pensais que des têtes allaient tomber. Que la balance de la Justice allait enfin pencher en défaveur de politiques véreux.

Malheureusement, mes espoirs (et ceux des journalistes) se sont évanouis dans le son pourri qu’on pouvait entendre de la poche de la chemise du conseiller de l’ancien Président. On espérait quelque chose de clair et net, du genre :

Sarkozy : Carla, tu me feras penser à envoyer une couronne fleurie pour les obsèques de Mouammar.
Carla : Khadafi ?
Sarkozy : Ben oui, tu sais, celui qui a financé ma campagne présidentielle.
Carla : Ok.
Sarkozy : Ou alors, non, j’ai une meilleure idée. Demande à Bernard  de lui en envoyer une.
Carla : Tapie ?
Sarkozy : Ben oui, il me doit bien ça. Les 403 millions de l’arbitrage pour l’affaire Adidas, c’est quand même grâce à bibi qu’il les a touchés.

Mais non. Rien de tout cela dans le dictaphone. Rien d’exploitable dans un tribunal. Les politiques ne sont peut-être pas si « tous pourris » que ça. Ou alors très prudents. Et les affaires vraiment délicates, ils ne les abordent qu’en langage des signes.

Les journalistes se sont alors rabattus sur des informations de seconde zone. Une médiocre piquette qu’ils ont servie à leurs lecteurs et auditeurs faute de mieux.

Les journalistes : Sur ces enregistrements, on entend Untel dire qu’Untel est incompétent, Unetelle dire d’Untel qu’il est calamiteux et qu’Unetelle ne dit que des conneries.
 
Le message des journalistes étaient peut-être : Regardez-moi ces politiques comme ils sont mesquins.

Mesquins, peut-être. Mais pas plus qu’un guichetier de La poste, qu’un ingénieur en aéronautique ou qu’un animateur télé. Pas plus mesquins qu’une caissière de Monoprix, qu’une chef d’entreprise ou qu’une chanteuse lyrique.

C’est le lot quotidien de chacun dans le monde du travail de chercher, trouver, souligner et partager les petits défauts de ses collègues.

Alors, enfin, l’élite politique de notre pays redevient humaine à mes yeux. Les couloirs de l’Elysée me semblent plus proches. Ils ressemblent maintenant aux salles de pause du Cora où les employés critiquent, pourrissent et bavent sur  leurs collègues absents.

Plus proche encore, car ils ressemblent à s’y méprendre à une salle des maîtres.

Quel professeur digne de ce nom n’a jamais cancané sur ses collègues adorés. Une petite vanne par-là, une grosse critique par-ci et nous voilà d’aplomb pour débuter la journée de bonne humeur.


Cela s’appelle le bashing et ce sera peut-être dans nos futurs nouveaux programmes comme unité d’enseignement.

La ponctualité, l’autorité, les méthodes pédagogiques, la flemmardise et même la tenue vestimentaire sont des sujets intarissables pour rigoler entre paires sur le dos d’autres paires.

Et le physique ? Ah non, on a dit pas le physique ! Qui a dit ça ? Qui a inventé cette règle inepte censée limiter les dérives du cancanage en restreignant les critiques à des sujets dont la nature n’est pas responsable ?

Alors oui, le physique aussi. Les rondeurs de Madame Lafeuille, les poils de nez de Monsieur Janti et même les implants capillaires de Directrice.

Plusieurs fois par jour, les salles des maîtres de toutes les écoles du monde, comme les loges de tous les théâtres du monde, comme les salles de pauses de toutes les boîtes du monde, comme les couloirs de tous les Elysées du monde sont les témoins de terribles procès sans victime où seule l’accusation a la parole. Des procès d’où sont exclus les avocats et les témoins de la défense, et surtout l’accusé.

Une petite pensée pour Georges Lopez, l’instituteur d’Être et avoir, et tous nos collègues enseignant en classe unique. Une pensée émue pour ces cocottes minutes pressurisées qui ne peuvent même pas évacuer un peu de pression en pourrissant un collègue en salle des maîtres.

Sans oublier enfants et parents qui sont aussi des victimes faciles de nos médisances. Car, bien-sûr, quand toute l’équipe est présente, la décence nous dicte de se rabattre sur quelqu’un d’autre. Encore un privilège de l’Education Nationale : la multitude d’exutoires possibles après une dure journée.

Bien-sûr, il ne faut pas être dupe. Chacun de nous, aussi parfait soit-il, se retrouve régulièrement au centre des allégations de ses collègues.

Pour ma part, pour éviter qu’on me pourrisse sur la place publique, je suis un précepte simple que Madame Cressot, ma prof de catéchisme m’a enseigné il y a 27 ans. D’après l’Evangile de Jésus Christ selon Mathieu 18, 15-20 :

Jésus : Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux.
Mathieu : Ben, pourquoi ?
Jésus : Comme ça, ils ne peuvent pas dire du mal de moi.

Malin, Jésus ( bel oxymore). Du coup, à l'école, je suis omniprésent voire omniscient. Je cours partout pour m'incruster dans toutes les conversations de l'école. C’est très fatigant mais ça évite à mes oreilles de siffler.

Mais depuis l’affaire Buisson, la donne a changé. Personne n’est à l’abri d’un dictaphone trop curieux qui trainerait dans une poche trop ouverte.

Maintenant, dans les salles des maitres, l’ambiance est à la suspicion. Tout le monde se soupçonne. Chacun cherche  son Buisson. La moindre poche bombée, le moindre déclic suspect provoque la défiance. Alors on ne cancane qu’entre gens de toute confiance après une fouille au corps rapprochée.

L’affaire Buisson n’a peut-être pas sonné le glas des ambitions de notre ancien gouvernement, mais sera-t-elle à l’origine de la fin de ce sport national qu’est le bashing.

Je ne l’espère pour rien au monde. J’ai encore envie de médire à tour de bras et que mes oreilles sifflent aussi fort qu’elles le peuvent.

 

Car qui aime bien, châtie bien.

 

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cb/Couloir_salle_des_fetes_elysee_2.JPG

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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 07:38

 

A l’heure des revendications, des manifestations et autres révolutions, j’avoue ne pas être un enseignant engagé. Je dirais même, en plagiant Pierre Desproges, que je suis du genre dégagé. Les slogans, les banderoles, les pavés, ça ne me fait pas vibrer. Je rentre dans le troupeau et suis bêtement mes paires jusqu’au faux pas qui nous entraînera tous par-dessus bord.

 

Il n’y a qu’une chose cependant qui me fait lever la tête de l’herbe verte pour regarder par-dessus le troupeau par moment, quand justement l’herbe n’est plus verte.

 

L’état de notre planète.

 

Quand il s’agit de prendre la défense de cette pauvre Terre martyrisée par ses locataires, je sors de ma léthargie et brandis bien haut mon poing à la manière d’Amel Bent pour exprimer mon mécontentement.

 

A l’école, je m’insurge. Contre les robinets poussoirs qui déversent des mètres cubes de flotte pour des mimines d’à peine 30 cm2. Contre les collègues qui n’éteignent pas leur classe pendant les récréations. Contre les écrans d’ordi qui restent en veille pendant toutes les vacances. Contre le chauffage détraqué qui nous poussent à ouvrir nos fenêtres même en plein hiver alors que les collègues du rez-de-chaussée sont obligés de s’équiper de radiateurs électriques pour faire fondre les stalactites qui tombent du nez de leurs élèves.

 

Ce n’est pas de tout repos d’être écolo.

 

Il y a ces mouchoirs en papiers remplis de glaires qu’il faut quotidiennement retirer de la poubelle du tri à mains nues en rappelant aux élèves qu’ils ne sont pas recyclables.

 

Il y a aussi cette mère furax qui m’avait attrapé par le col parce que j’utilisais des brouillons pour faire les photocopies de ma classe. Et que j’avais malencontreusement utilisé le verso du bulletin de son 6ème de fils qui nous est remis par le collège à nous enseignant du CM2 pour suivre un brin de chemin de nos anciens élèves. Et que, par le biais d’un de mes élèves, ce bulletin révélant clairement l’état chaotique de la scolarité du collégien s’était retrouvé affiché dans la cage d’escalier dudit 6ème  qui était devenu la risée de tout son voisinage.

 

Il y a ces moments de  réflexion soutenue dans la salle de la photocopieuse pour réduire le plus possible mon utilisation de papier. Des montages tordus d’exercices qui doivent tenir sur un A4 et qui me rappellent mon record de 186 lignes à Tétris sur mon Game-Boy première génération.

 

Il y a ce sac d’épluchure destiné au composteur du jardin de l’école qui était resté dans le casier d’Akim pendant toutes les vacances. Qui nous avait montré que les épluchures de carottes mélangées aux peaux de kiwi et aux fanes de  poireau se dégradent très bien sous l’action du chauffage détraqué de l’école et que même le cahier du jour et le livre de géographie peuvent se dégrader.

 

Il y a aussi mes collègues qui râlent parce qu’ils perdent 32 précieuses secondes chaque matin lors du préchauffage de l’imprimante que j’éteins chaque soir avant de partir.

 

Il y a ce blâme de l’Inspectrice qui avait eu connaissance d’une sortie pédagogique où mes élèves s’étaient allongés sur les rails pour stopper un convoi de déchets nucléaires qui traversait la France. J’ai échappé aux tribunaux et aux lynchages de parents de justesse parce que nous n’étions allés que sur une voie désaffectée qui mène à une ancienne forgerie à la sortie de la ville.

 

Mais il y a aussi des petites victoires.

 

Il y a le composteur du jardin qui déborde et qui réduit considérablement le poids des poubelles du quartier. Mais qui embaume la cour de récréation par vent d’Est.

 

Il y a Sonia, ma collègue qui me montre fièrement qu’elle s’est mise au tri sélectif dans sa classe. Et qui exhibe sa poubelle à papier électrique flambant neuve très loin de l’esprit Développement Durable mais devant laquelle je ferme les yeux pour ne pas la décourager.

 

Il y a Mehdi et Lucie qui rivalisent d’imagination et qui s’amusent à dessiner le futur apocalyptique qui leur tarde de voir.

 

Mais c’est ça le problème. Mes élèves s’amusent.

 

J’ai pourtant essayé de créer une terreur sourde autour de ce sujet. Quand j’en parle en classe, je prends la voix off des bandes-annonces des films d’épouvante.  J’échafaude des scénarii catastrophes plus que terrifiants pour leur avenir proche. Je leur explique comment ils vont perdre leur peau dans un premier temps, puis comment leurs globes oculaires vont exploser dans leurs orbites. Et pour finir je leur décris la mort la plus atroce possible.

 

Tout ça parce qu’ils n’ont pas mis le papier dans la bonne poubelle.

 

La pédagogie par la terreur.

 

Mais ça les amuse.

 

Ils s’amusent de me voir traverser la classe, grimaçant, avec un kleenex dégoulinant de morve au bout de mon bras entre le pouce et le index.

 

Ils s’amusent de mes incursions systématiques dans la classe des collègues pour éteindre leur lumière lors de notre longue traversée du couloir jusqu’à la cour de récré.

 

Ils s’amusent à reconnaitre de quels films catastrophes sont extraits les posters montrant des scènes apocalyptiques du futur affichés dans la classe entre les règles de conjugaison et la carte de France des McDo.

 

Ils s’amusent à découvrir au dos de quel document a été photocopiée leur fiche d’exercices. Quel bulletin scolaire, quelle fiche de paie,  quelle autorisation d’absence. Quel document compromettant pourront-ils afficher dans un endroit public.

 

Ça les amuse ?

 

Très bien.

 

Dans 50 ans, quand nos cheveux  s’embraseront sur notre crâne meurtri. Quand nos dents se déchausseront au moindre bâillement. Quand les ours polaires côtoieront les chameaux. Quand Copacabana sera sous les eaux et que les Jeux Olympiques d’été se dérouleront au cœur de l’Himalaya. Moi, assis sur un transat, un Pont à la main à contempler la source du Doubs dans  le seul endroit vivable de France, je ne me retiendrai pas de leur dire que je les avais prévenus.

 

Moi : Des douches, les enfants ! Des douches, pas des bains !

 


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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 07:59

Une petite chanson avant les fêtes !

Un peu tard pour l'apprendre à vos mouflets pour la chorale de Noël.

Cela dit, en découvrant les paroles, vous ne la trouverez pas forcément adaptée  à l'ambiance naïve, enfantine et candide que crée la légende du Père Noël.

Elle s'intitule "Les Pères Noël".

Comme dans tout featuring, Je tiens à remercier la maison de production du Père Noël Portable (PNP) pour son aimable autorisation contrainte. Merci aussi à Youtube et à ce logiciel magique qui permet d'extraire le son des vidéos.

Et un spécial Thanks à Emilien ((label indépendant) pour sa naïve participation.

Bonne écoute et joyeuses fêtes à tous.

 

 

 

 

Les Pères-Noël

 

Qui c'est ce gros bonhomme en manteau rouge et blanc ?

Qui c'est ce vieux monsieur qu'a l'air d'avoir 100 ans.

Le Père-Noël, j'en suis sûr, ça paraît évident.

Le Père-Noël, dis c'est lui ? Dis c'est bien lui, Maman ?

 

C'est ton oncle Jean-Marc, sous cette fausse barbe blanche.

Regarde on voit son caleçon rayé quand il s'penche.

Mais pour son ventre, c'est un vrai, pas besoin d'oreiller.

Par perfection, cette année, il l'a laissé pousser.

 

Qui c'est ce gros bonhomme qui rit comme un bûcheron?

Qui c'est ce vieux monsieur avec son nez tout rond ?

Le Père-Noël, j'en suis sûr, depuis l'temps qu'j'l'attends.

Le Père-Noël, dis c'est lui ? Dis c'est bien lui, Maman ?

 

Non c'est Paulo, tu sais, le collègue de Papa.

Vu son bilan, le chef lui a pas laissé le choix.

T'as pas reconnu son haleine quand t'étais sur ses genoux.

Les yeux qui t'piquent, c'était lui, en t'donnant tes joujoux.

 

Refrain :

Te laisse pas berner par tous ces parents qui te disent d'être gentils.

Fais ce qui te plaît, car sage ou pas sage, tu seras gâté pourri.

Le Père-Noël, c'est du vent.

Un vent d'hiver qui te ment.

 


Qui c'est ce gros bonhomme avec tous ces lutins ?

Ce vieux monsieur avec tous ces cadeaux tout plein ?

Le Père-Noël, j'en suis sûr, ça paraît évident.

Le Père-Noël, dis c'est lui ? Dis c'est bien lui, Maman ?

 

C'est un contractuel embauché pour un mois

Un p'tit intermittent qu'a trouvé qu'cet emploi.

Au mois d'avril tu verras, il sera en lapin,

A Halloween en citrouille, l'an prochain en lutin.

 

Refrain :

Te laisse pas berner par tous ces parents qui te disent d'être gentils.

Fais ce qui te plaît, car sage ou pas sage, tu seras gâté pourri.

Le Père-Noël, c'est du vent.

Un vent d'hiver qui te ment.

 


 

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14 décembre 2013 6 14 /12 /décembre /2013 15:45

Depuis le début de l’année, les garçons de ma classe sont atteints  d’une étrange maladie psychologique. Un sujet les obsède, ôtant de leur cerveau la place nécessaire aux apprentissages scolaires. Une monomanie qui les tourmente au point de ne plus parler que de ça dans leurs bavardages intempestifs, dans les rangs, dans la cour, dans leurs rédactions, dans leurs dessins, dans leur sommeil (j’imagine).

 

Le football !

 

J’aurais aimé participer au combat contre les clichés, j’aurais souhaité tordre le cou à certaines idées reçues. Malheureusement ce fléau, cette obsession caractérisée du ballon rond ne concerne qu’une partie de ma classe. Et tant pis pour le catalogue de jouets qui lutte contre le sexisme, mais dans ma classe, la personne qui pose sur la photo en tenue de foot avec un pied sur le ballon est bien un garçon. L’obsession des filles sera peut-être le sujet d’un prochain article : elle se prénomme Violetta.

 

Le football a un pouvoir invasif. Il s’insinue jusque dans les programmes scolaires bien malgré moi.

 

En géographie :

 

Moi : Citez-moi les principales villes françaises.

Lucas : L’OM, le PSG, le LOSC…

Moi : Ah non, ça, ce sont des clubs de foot. Je veux des villes.

Karim : Evian-Thonon-Gaillard.

Moi : Encore un club de foot. Mais tu m’as quand même cité trois villes, on progresse. Mais j’ai demandé les principales villes. Les plus grandes.

Karim : Trois villes ?

Moi : Oui ! Evian, Thonon et Gaillard. C’est une fusion de plusieurs clubs issus de ces trois villes.

Memhet : Aaaaaah ! C’est pour ça qu’ils ont battu le PSG. Ils étaient trois contre un !

Les autres (comprenant) : Aaaaaah ! C’est pour ça.

 

En histoire :

 

Moi : Quel pays Napoléon a-t-il battu à Austerlitz !

Elliot : L’Ukraine !

Moi (levant les yeux au ciel) : …

Bilal : Oui ! Il les a même battus 3-0 !

Les autres (levant les bras en l’air) : OUAAAAAAAAAAIS !!!!

 

En histoire des arts :

 

Moi : Alors ! Comment il s’appelle ce célèbre musée parisien ? Vous savez, celui qui a la Joconde.

Fred : Le parc des Princes !

 

En éducation à la citoyenneté :

 

Karim : Maître, il y a une erreur dans le livre.

Moi : Ah bon !

Karim : Ils disent que la fête nationale française, c’est le 14 juillet.

Lucas : T’as raison. Ils se sont trompés !

Moi : Ben non, c’est ça.

Karim : Mais c’est pas le 14, c’est le 12 juillet !

Moi : Non, c’est le 14 !

Lucas : Mais non, vous aussi vous vous trompez.

Karim : En plus, vous, vous étiez déjà né et on sait mieux que vous.

Moi : En 1789, je n’étais pas né.

Karim : Mais non, nous, on parle de 1998 !

Les autres (chantant) : OUAAIIIIS ! Et 1, et 2, et 3 – zéro !

 

En vocabulaire :

 

Moi : Dans la vie professionnelle, pour réussir il faut être… il faut être…

Les mômes : ….

Moi : Il faut être r…. r….

Les mômes : ….

Moi : Il faut être ri…

Allan : Ribery !!!

Les autres (scandant) : OUAAIIIS ! Le ballon d’or ! Le ballon d’or !

Moi (blasé) : Non, il faut être rigoureux.

 

 

Mais parfois, les filles s’y mettent aussi :

 

Moi (venant d’expliquer la consigne d’un exercice) : Des questions ?

 

Justine lève la main. L’intello de la classe. Celle qui parfois m’explique mes propres consignes.

 

Moi (sincèrement surpris) : Justine, quelque chose que tu ne comprends pas ?

Justine : Oui, la règle du hors-jeu au foot !

 

Cette ambiance est de plus en plus pesante dans ma classe. Je ne peux plus faire un pas pédagogique sans tomber sur le spectre du ballon rond qui hante la totalité de mes garçons.

 

Je sais que cette obsession va s’accroitre jusqu’au mois de juin 2014. Elle atteindra son paroxysme le 15 juin un peu avant 16h, heure du coup d’envoi du premier match de la France dans la coupe du monde 2014.

 

A partir de là, cela s’atténuera. Le football quittera petit à petit les esprits de mes élèves. Jusqu’à complétement disparaître le 25 juin à la fin du dernier match de groupe de notre équipe nationale quand le coup de sifflet final sonnera le glas des espoirs des millions de mômes dont font partie les garçons de ma classe. Quand les bleus ne seront même pas qualifiés pour les huitièmes de finales.

 

Alors, enfin, le programme scolaire reprendra ses droits. Et il me restera une dizaine de jours pour préparer mes élèves à la sixième.  

 

http://www.coloriage.tv/js/coupe-du-monde.png

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